Interview ‘’Corporate Global Media’’

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    Monsieur le Président de l’AGET, qui se cache derrière le grand homme
    Monsieur le Président de l’AGET, qui se cache derrière le grand homme

     

    Monsieur le Président de l’AGET, qui se cache derrière le grand homme ?

    Cher monsieur X

    J’avoue être réticent quand il s’agit de parler de moi-même, je préfère être jugé sur mes actes, mes résultats, mes stratégies ou mes interventions, par mes collaborateurs ou par mes alter égo. Cela étant dit, je suis un homme du secteur privé, Directeur Général de la compagnie d’assurance leader du marché, NSIA assurance, après avoir été Directeur Général de la C2A de 1994 à 2001 et de GTA-C2A de 2001 à 2005. J’ai donc comme vous le voyez occupé plusieurs postes de direction et je peux modestement dire que mes résultats ont toujours été très positifs.

    Le droit a toujours été l’une de mes passions. Cette passion m’a amené à faire des études de droit puis à l’enseigner. Cela m’a amené ensuite vers le secteur de l’assurance où je fais toujours carrière. Dans le même temps, ma passion pour le droit m’a également amené à être proposé pour diriger la Cour d’Arbitrage du Togo (CATO) puis récemment à créer l’Institut Supérieur de Droit et d’Interprétariat (ISDI).

    Les dirigeants des grandes entreprises du Togo m’ont porté à la présidence de l’AGET il y a maintenant 5 ans et à deux reprises m’ont renouvelé leur confiance pour continuer à diriger cette association. Mais je tiens à souligner que cette grande association est dirigée de manière collégiale par un Bureau Exécutif dynamique où sont représentés les secteurs de l’industrie, des services portuaires, banque, assurance et du commerce. La direction est collégiale et je me considère juste comme un ‘’primus inter pares’’.

     

    • Monsieur le Président des Présidents, comment se portent les grandes entreprises ?

    Ceci est une question délicate car tout pourrait laisser penser qu’à la suite des efforts colossaux menés par le gouvernement pour moderniser les infrastructures routières, portuaires et aéroportuaires, les entreprises togolaises allaient en bénéficier, or à ce jour il n’en est rien et ce pour des raisons qui tiennent à l’intégration régionale, à la fiscalité et au coût des facteurs de production.

    • L’intégration régionale : En effet comme vous le savez, le Togo fait partie du marché de l’UEMOA et de la CEDEAO et se soumet volontiers aux règles de ces deux organisations. Cela serait payant si tous les états membres faisaient de même or il n’en est rien. De plus la chute du cours du pétrole, avec pour effet la chute du Naira a mis à mal l’économie du Nigéria, cela constitue un choc important pour toute la sous-région. Sans respect des règles communautaires, les produits nigérians envahissent les pays de la sous-région notamment le Togo, provoquant une concurrence de plus en plus rude aux entreprises.
    • La fiscalité : L’AGET a salué la création de l’OTR, car c’est une avancée louable en matière de collecte des recettes fiscales pour l’état. Cependant l’AGET déplore certaines pratiques de l’OTR qui freinent le développement des entreprises, il s’agit :
    • De la focalisation de ce dernier sur la seule collecte des impôts avec un ciblage clair sur les grandes entreprises du secteur formel ;
    • de contrôles débouchant sur des redressements sans aucune relation avec les faits reprochés ;
    • du niveau de l’Impôt sur Société (IS) qui est de 29% en comparaison avec les autres pays de l’UEMOA (exemple l’IS en Côte d’Ivoire et au Benin est de 25%) ;
    • du niveau des taxes sur salaire de 3% qui est un sérieux frein à l’emploi ;
    • Le Port Autonome de Lomé est l’un des seuls port de la sous-région où est pratiquée la taxe à l’essieu, ce qui fait fuir les opérateurs économiques vers les autres ports de la sous-région.
    • Le coût des facteurs de production : Le coût et la disponibilité des télécommunications, de l’énergie électrique sont également à revoir.

    Ce sont là quelques éléments sur lesquels l’AGET est prête à travailler avec le gouvernement afin d’améliorer la compétitivité des entreprises togolaises.

    • Il faut être un véritable manager pour occuper ce poste. Vous devez être fier de vous, Monsieur le Président ?

    Etre Président d’une organisation prestigieuse comme l’AGET apporte effectivement une grande satisfaction. Ce dont je suis fier en fait c’est avant tout d’avoir mérité la confiance de mes pairs qui m’ont jugé capable de diriger notre association, de parler en leur nom aux différents ministères voire au plus haut niveau de l’état et aux organisations internationales. De cette confiance, oui je peux être fier.

     

    • Monsieur le Président, comment se porte l’AGET et ses membres ?

    L’AGET se trouve à une période cruciale de son existence, nos entreprises membres sont actuellement soumises à différentes difficultés, d’une part la pression fiscale, les difficultés liées aux coûts et à la disponibilité des facteurs de production, et d’autre part à la forte concurrence des produits étrangers notamment ceux venant du Nigéria, dont certains sont déversés sur le marché au mépris des règles communautaires de l’UEMOA et de la CEDEAO. Je vais donner ici l’exemple du ciment nigérian qui est présent sur le marché togolais depuis quelques mois tandis que le Nigéria par des mesures protectionnistes interdit l’entrée de ciment étranger sur son territoire.

    Toutefois l’AGET est en contact avec les autorités compétentes en vue de trouver des solutions aux différentes difficultés rencontrées par ses membres.

     

    • Monsieur le Président, à la tête d’un si important empire financier, quels rapports entretenez-vous avec l’état central ?

    L’AGET est une association patronale qui défend les intérêts de ses membres et l’ensemble du secteur privé. Il est erroné de penser que les intérêts de l’Etat et les nôtres sont divergents. Il n’en est rien. Le souhait des entreprises est d’avoir un Etat fort, stable, qui sait anticiper, un Etat avec des réglementations claires et allant dans le sens d’une économie forte, orientée vers la croissance. Nos attentes sont donc les mêmes.  J’ajouterai que l’AGET vient en appui à toute l’action gouvernementale, je pense notamment à la politique de l’emploi et de la formation. L’AGET œuvre pour que la politique de l’emploi du gouvernement cadre au mieux avec les besoins des entreprises et de l’économie togolaise en général.

    Il existe certes quelques divergences, liées notamment à la disponibilité et au coût des facteurs de production, l’énergie, les télécommunications et  aussi des divergences liées à la pression fiscale.

    Toutefois nous dialoguons régulièrement avec le gouvernement pour trouver des solutions afin d’orienter l’économie togolaise sur la voie de la croissance.

     

    • Vos rapports avec la Chambre du Commerce et d’Industrie du Togo ?

    La Chambre du commerce et d’Industrie est un établissement public à caractère professionnel financé par les taxes payées par l’ensemble des opérateurs économiques. Elle offre des services pour tout ce qui est création d’entreprise, arbitrage, documentation, publication etc. La Chambre du commerce est au service de tous les acteurs économiques petits ou grands, ce qui croise le champ d’action de l’AGET qui non seulement est un regroupement des grandes entreprises mais se bat pour un environnement économique sain, favorable au développement et à l’émancipation de tout le tissu économique togolais. En vue d’atteindre cet objectif commun qui nous tient tous à cœur, nous travaillons avec la Chambre du Commerce et ce de manière très constructive.

     

    • Qu’en est-il des relations avec le patronat ?

    Le CNPT est l’organisation historique, elle représente d’une part le secteur privé dans son ensemble et d’autre part, le patronat auprès des organismes nationaux et internationaux. L’AGET regroupe les 52 plus grandes entreprises qui sont le noyau dur de l’économie togolaise, les statistiques en termes de chiffre d’affaire, d’investissement, d’emplois créés des membres de l’AGET parlent d’eux même. De ce fait l’AGET constitue un interlocuteur incontournable pour les organismes tant nationaux qu’internationaux. A ce titre nos relations avec le patronat sont excellentes car  nos rôles sont complémentaires puisque nous défendons la même cause, celle des entreprises.

     

    • Monsieur le Président, l’utilité de l’AGET pour les ministères sectoriels (Finances, économie, industrie et commerce, artisanat et tourisme par exemple) au Togo ?

    Comme je l’ai déjà mentionné, l’AGET de par son poids dans l’économie togolaise est un interlocuteur incontournable lorsqu’il s’agit de s’adresser au secteur privé. Dans ce sens nous sommes régulièrement conviés par les différents ministères à des rencontres d’échanges, des tables rondes, des forums, bref à toutes les rencontres touchant au secteur privé l’AGET y est conviée.

     

    • L’impact de l’AGET sur la vie économique et financière du Togo ?

    Les entreprises membres de l’AGET, en 2015 c’est plus de 700 milliards de chiffres d’affaire, plus de 150 milliards d’investissement, plus de 11 000 emplois, près de 25% de toutes les recettes fiscales de l’état, comme vous pouvez le constater, les chiffres parlent d’eux même. L’AGET s’est également fixé comme objectif de dénoncer les obstacles au développement de l’économie togolaise à travers plusieurs publications dont la plus connue est ‘’Le livre blanc : l’économie togolaise vue par les grandes entreprises’’.

     

    • Cela m’amène à vous demander, comment se traduit l’apport de l’AGET dans le quotidien des togolais ?

    C’est toute la question de la croissance du PIB qui est dans l’ensemble bonne. Mais quelles sont les retombées pour le simple citoyen ? C’est l’une des problématiques majeures de l’heure à laquelle s’attaque l’AGET, à travers l’emploi en général et en particulier celle de l’emploi des jeunes. Comme nous le savons tous, le problème de l’emploi des jeunes est dû en grande partie à l’inadéquation de la formation. A ce titre l’AGET a œuvré avec le gouvernement pour la mise en place du ‘’Centre de Formation des Métiers de l’Industrie’’, d’autres initiatives de même type sont en cours d’opérationnalisation. Afin de permettre aux jeunes d’avoir une expérience professionnelle, L’AGET travaille également sur un projet de souplesse de la réglementation du travail, ce qui permettra à terme aux entreprises d’offrir une expérience professionnelle aux jeunes sans pour autant être liées par les contraintes du droit de travail.

     

    • Monsieur le Président, comment se passe votre assistance aux entreprises ?

    L’AGET œuvre pour l’émancipation de l’économie togolaise et par conséquent pour l’émancipation des entreprises togolaises en général. Pour se faire, l’AGET mène des études périodiques pour relever les freins à l’épanouissement des entreprises togolaises. Notre plus célèbre publication est le ‘’Livre blanc’’, dénommé par certains médias, ‘’la bible de l’économie togolaise’’. Dans le Livre blanc, nous avons fait dans une première partie, l’analyse des secteurs d’activité et l’analyse des freins au développement des affaires, ensuite nous avons analysé le potentiel économique du Togo et décliné les filières à fort potentiel ensuite nous avons fait des recommandations et proposé des mesures concrètes à mettre en œuvre en vue de favoriser l’émancipation des entreprises togolaises. Nous sommes en dialogue permanent avec le gouvernement pour la mise en œuvre des différentes recommandations formulées.

     

    • Monsieur le Président, la morosité économique mondiale, une opportunité ou faiblesse pour l’Afrique ? Et principalement le Togo ?

    Nous sommes à l’ère de la mondialisation où toutes les économies sont fortement liées entre elles. Un choc subi par les économies du nord se fait ressentir de manière amplifiée dans les économies du sud, que ce soit à travers la baisse des échanges commerciaux ou des aides publiques au développement. Cela démontre la forte dépendance des états du sud vis-à-vis des pays développés. Le ralentissement économique mondial actuel constitue une opportunité pour l’Afrique, c’est le moment pour le continent africain de développer son potentiel tant humain qu’économique. Nous devons développer la coopération sud-sud, intensifier  les échanges inter-états africains.

    Dans cette même dynamique, le Togo doit poursuivre sa politique de développement de son agriculture mais aussi des grandes industries, que ce soit dans la transformation agro-alimentaire, sidérurgique, chimique, etc… afin de limiter sa dépendance vis-à-vis des pays développés et s’imposer dans la sous-région comme un hub économique incontournable.

     

    • Monsieur le Président, votre souhait pour l’Afrique et le Togo ?

    Tous les économistes s’accordent sur le fait que c’est le moment de l’émergence de l’Afrique. A notre cher pays le Togo et à tous les pays africains, je souhaite la paix, la stabilité socio-économique et politique et un renforcement du dialogue public-privé. Sans ces prérequis nous n’arriverons pas au développement qui nous tient tant à cœur.

    • Monsieur le Président, un mot pour nos lecteurs ?

    Je tiens tout d’abord à vous remercier pour cette tribune que vous m’avez offerte pour m’exprimer, j’invite toutes vos lectrices et lecteurs et toute la population Africaine à croire en l’avenir de notre continent et à son potentiel. Je nous exhorte tous à apporter notre prière pour bâtir notre cher continent et notre cher pays le Togo.

    Je vous remercie.